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Carnets de voyages - Page 3

  • Une ville

    Une ville, cette agglomération d'habitations disposées par rues.

    Lors des premiers voyages que l'on fait, les villes que l'on découvre émergent dans leur singularité. Que l'on aille à Paris, Bordeaux, Londres ou Porto notre sensibilité nous encline à ressentir des émotions qui ont quelques similitudes avec celles qui naissent de la rencontre avec une personne. On s'attache à ce qu'on croit être sa personnalité, son originalité, son charme. Dès lors, au milieu de ses rues, on s'y sent bien ou mal, d'une façon tout à fait singulière et difficilement exprimable. En somme, on retrouve dans les plaisirs de la ville les ressorts de la séduction, et pour paraphraser un peu Montaigne on pourrait dire qu'on a aimé cette ville tout simplement parce que c'était nous et parce que c'était elle …

    Puis avec la répétition qui nourrit le fonds de l'expérience, la découverte de nouvelles villes se décline sous un autre registre. La naïveté nous a quitté, l'enthousiasme qui nous reste est réservé aux endroits exceptionnels… et de balades en voyages, on finit par se dire que les villes se ressemblent.

    Cela ne nous empêche pas de trouver Fribourg jolie et charmante, mais sa séduction est moins singulière. En m'arrêtant et en levant les yeux vers elles, il me semble que ces façades me rappellent cette autre que j'ai déjà connue ; et ces rues pavées sous mes pas, je les ai déjà arpentées ailleurs, peu importe où, mais je les reconnais. Même l'atmosphère que je perçois, cette impression si particulière, et bien, elle aussi elle a quelque chose d'une ou deux autres, qui me reviennent en mémoire.

    Je crois, qu'avec le temps, chaque ville me ramène à ce qu'elle est : une ville, cette agglomération d'habitations disposées par rues.

  • L'automobile - Carnet de voyage en Allemagne

    L'automobile est un mot désuet, un peu comme l'est le mot bicyclette, pour celui-ci on dira plutôt «  je prends mon vélo » et pour celui-là « je prends ma voiture », mais pour autant que suranné soit ce mot, il reste encore dans l'usage. Parfois, on le rencontre tronqué et ramené à son seul préfixe, on dira alors par métonymie « le mondial de l'auto ». C'est comme si l'objet se caractérisait, dans ce cas, essentiellement par sa dimension d'automaticité, et que celle de la mobilité n'était finalement que portion congrue, au point que l'énoncé même de cette idée soit tout à fait inutile. Une auto, voilà le mot.

    Mais ainsi réduit, le mot manque la chose car à l'heure des trajets à grandes vitesses, que ce soit en train ou en avion, le voyage en voiture n'a plus rien de ce caractère « automatique » qui suggère l'absence de la main de l'homme - et encore moins « d'autonome » même si il est probable qu'on y viendra un jour à « l'automobile autonome » - … .

    Mais aujourd'hui, le voyage en voiture nous demande du temps, de la vigilance, de la fatigue … bien plus que pour un trajet en avion, qui dans sa rapidité même anéantit le voyage pour le remplacer par le vilain mot de transit, qui nous mène d'un point vers un autre dans l'unicité du paysage qu'offre le ciel.

    Alors, qu'au volant de sa voiture, c'est autre chose. Le paysage se déroule au fil des heures qui passent, l'espace change peu à peu et nous conduit doucement vers l'ailleurs. Selon les hasards de la géographie, on peut même traverser des frontières, ces endroits si curieux où d'un bord à l'autre de la ligne les lois, les langues et les dieux changent.

    En voiture, la frontière se traverse et le paysage s'incarne, et il vous faut une journée entière pour parcourir un petit bout de carte. Il me semble donc, que par rapport à ce qu'offre les autres moyens de transport de notre siècle, il nous faudrait rebaptiser notre automobile par un nom évoquant mieux ses caractéristiques relatives, j'aimerais assez que l'on remplace ce mot décidément et finalement tout à fait suranné par un nouveau nom, j'aimerai assez celui de « moderatomobile ».

    Ainsi, on partirait en voyage dans sa moderato, et parfois, à l'ombre de certaines montagnes on pourrait même se trouver perdu, sans réseau, et déplier, sur le capot brûlant de sa moderato, une carte routière avant que la nuit ne tombe.

  • Ombrie, voyage intérieur : boire du vin en Italie

    Le vin fait partie du patrimoine gastronomique de l’Italie, déjà, il y a plus de 2 000 ans, les Etrusques cultivaient la vigne et plus tard les Romains firent de Bacchus une figure tutélaire. Aussi, mon voyage en Italie ne pouvait-il se dérouler sans quelques agapes et bacchanales.

    J’aime les vins italiens. J’aime le fait qu’ils n’aient ni le même goût ni les mêmes arômes que les vins français que je connais. J’aime leur différence. Commander un verre ou une bouteille et découvrir un vin inconnu, c’est alors tout un monde de sensations qui s’ouvre. Mes sens se font les explorateurs de territoires vierges, de nouveaux parfums et de nouvelles  saveurs que je fige dans le souvenir d’une terrasse d’un soir d’été, à Terni, Assise ou Pérouse. Le vin aura l’éclat d’un reflet de marbre blanc d’un temple de Jupiter et l’écho de la douce rumeur de la ville.

    Boire du vin en Italie, c’est s’installer à la terrasse d’un café pour  prendre  l’aperitivo. Commander un verre de Moscato et un plateau d’amuse-gueules fait de quelques petits sandwichs de pain blanc, d’olives et parfois de chips. La douceur de ce vin blanc sucré accompagne à merveille la chaleur déclinante de la fin d’après-midi. Prendre l’apéritif en buvant un verre de Moscato à la terrasse d’un café en fin d’après-midi c’est un peu déguster le temps qui passe, c’est au terme d’une journée ensoleillée, consommer quelques minutes sucrées et délectables contenues toutes entières dans un verre de ce joli vin d’Asti.

    Boire du vin en Italie, c’est ouvrir une bouteille de Vino Nobile pour le dîner. Le repas se prépare, on ouvre le vin un peu avant de passer à table. La soirée s’annonce délicieuse. On dînera de quelques saveurs ombriennes, du jambon cru, salé et goûteux, des tomates fraîches de différentes variétés, de la mozzarella, de l’huile d’olive, du pecorino et des pêches en dessert. Le vin patine le palais d’un velours onctueux. Les arômes sont riches et puissants. Le repas est fini. On fume quelques cigarettes, éclairés par la lune sous le ciel étoilé. La conversation roule sur l’art et la politique, on parlera d’amour aussi, et on finira la bouteille.

    Boire du vin en Italie, c’est lire au restaurant la carte de vins inconnus et commander sur les conseils de la serveuse un Trebiano Spolitino pour accompagner des croquettes de riz au safran et des pâtes sans œufs à la truffe. Le vin arrive dans un sceau d’eau froide.  Je le goûte et c’est le ravissement. Il est doux et fruité, presque floral ; ses arômes sont à la fois subtils et évidents. Chaque gorgée, tout au long du repas, est un plaisir renouvelé. Je suis heureux, ce soir-là à Terni, car cette carte de vins inconnus est venue m’enrichir  d’un nouveau nom et de nouvelles saveurs ; je ferme les yeux, je déguste et je tente de fixer dans ma mémoire la découverte de ce vin ombrien. Le repas prend une forme de cérémonie, le safran et la truffe reçoivent la bénédiction du Spolitino, mes papilles voyagent dans de nouveaux territoires. Le plaisir de la table est évident, comme une révélation, et ce moment d’épiphanie païenne me laisse deviner à quel point Bacchus fut un Dieu qui aima les hommes, ici, en Italie.

  • Ombrie, voyage intérieur : les musées climatisés

    Quand il fait chaud, que l’on sort de table après avoir bien mangé, que les rues sont désertes, la chaleur accablante et les églises fermées, il ne reste plus que les musées pour se mettre au frais.

    C’est d’une admirable efficacité. Dès l’entrée dans le musée, la climatisation apporte un soulagement immédiat. La présence des œuvres d’art est tout d’abord assez lointaine, elles se situent dans un arrière-plan indistinct, repoussées dans les limbes de l’insignifiance. Mon corps occupe dans ces moments de fortes chaleurs tout l’espace et toute la durée que ma pensée peut  embrasser. C’est pourquoi, pendant les premiers instants qui suivent mon entrée dans le musée climatisé, mes perceptions sont entièrement réduites à la douceur et au réconfort de l’air frais qui m’enveloppe. Ensuite, après que le corps a retrouvé un peu de bien-être, de ce bien-être si particulier qui naît après le soulagement, je me souviens qu’il y  a des « choses à voir ».

    Alors, je me mets en marche. Les œuvres s’égrainent au fil de la promenade. Dans ces endroits, on n’est jamais à l’abri de faire une rencontre. Mais, on n’est jamais à l’abri non plus de s’y ennuyer. Il m’est déjà arrivé de traverser un musée  avec un triste désintérêt, voire même un ennui proche du dépit amoureux. Passer de salle en salle, regarder les œuvres exposées comme autant de mots vides de sens. S’arrêter, chercher mais ne rencontrer nulle œuvre qui vive en soi.  C’est toujours une expérience décevante, même quand la climatisation assure le confort de la température. Mais, ces rendez-vous manqués sont parfois rattrapés in extremis, par un évènement qu’on n’attendait plus. J’ai gardé un souvenir très vif de ces endroits où s’est produit ce genre de rencontres.  Et en Ombrie c’est une nature morte de Botero qui m’a sorti un jour de ma torpeur.

    C’était à Spoleto, dans le Palazzo dei Ducchi. Il y avait là une nature morte. L’équilibre de la composition de cette petite sculpture m’a tellement ravi que j’ai n’ai pu m’empêcher d’en faire et refaire le tour, comme hypnotisé.  Inexplicablement, cette œuvre de plâtre blanc a fait remonter en moi ce que j’avais ressenti devant les toiles de Veermer,  il y a quelques années. Une expérience intime et profonde de douceur et d’équilibre.

    Dans le musée imaginaire que j’ai forgé au cours de mes rendez-vous manqués ou réussis dans les musées, il y aura dorénavant cette nature morte de Botero. Par une étrange alchimie, je sais qu’à partir de maintenant, quand je voudrais la faire remonter à la surface de ma conscience, il me faudra descendre à l’étage des peintres flamands, et mettre en marche la climatisation.

  • Ombrie, voyage intérieur : faire la route en voiture

    Louer une voiture pour une semaine ou deux fait partie des plaisirs que je m’offre en vacances. En général un loueur vous garantit une certaine catégorie de véhicule mais sans s’engager fermement sur le modèle, cette façon de procéder me convient assez bien car elle ménage la surprise du modèle et j’aime cette première surprise des vacances.  Cela me rappelle un peu celle des œufs Kinder de mon enfance, mais en plus grand …

    Cette année, la surprise  c’est une Fiat 500 L blanche et noire. J’aurais préféré un modèle un peu plus puissant (le nôtre n’est doté que d’un petit moteur 1.3litres) pour être plus à l’aise sur les routes de montagne mais au moins, le gabarit est correct, on sera à l’aise tous les trois avec tous nos bagages. Et puis, avec Fiat, nous aurons le plaisir de rouler local, avec l’autoradio branché sur radio 101 pour laisser se déverser des flots de variété italienne parsemée de quelques hits américains.

    Chaque jour,  la Fiat 500 L nous emmène sur les routes de l’Ombrie pour découvrir les beautés de ses paysages. La région offre des collines et de basses montagnes, partout on y voit la main de l’homme. Comme en Toscane, la région voisine, le paysage est dessiné et sculpté par ses habitants. L’espace est découpé en petites parcelles sur lesquelles est cultivée une grande variété d’essences. La culture de céréales, côtoie  celles du maïs et du tournesol tandis qu’au détour du virage ce sont les vignes et les oliveraies qui ornent la colline. Des fermes de taille modeste veillent sur le paysage, construites en petites briques rouges et en pierres blanches elles parsèment les collines et veillent sur les lieux comme des vigies laborieuses pour nous rappeler que la beauté ici ne doit rien au hasard.

    Il n’est pas rare de faire une halte sur la route, juste le temps de regarder et  de garder par devers soi un moment de paysage. Si la lumière le permet, s’il reste des vues sur la pellicule, alors on tentera peut-être d’en conserver une trace en prenant une photo. C’est une colline aux courbes adorables, une vallée colorée de toute une gamme de verts ou encore un village orgueilleux bâti sur un éperon rocheux qui nous fait arrêter la voiture sur le bord de la route. Les warning clignotent pendant qu’on prend  le temps de contempler cet endroit qu’on ne reverra peut-être jamais, et qu’on tente de faire rentrer le plus de beauté possible dans le petit cadre de l’appareil photo.

    Faire la route en vacances c’est aussi se laisser conduire au hasard des panneaux rencontrés sur le bord du chemin. Faire un détour et ne pas obéir au programme établit le matin même, au cours du petit déjeuner pendant lequel on buvait le café sur un coin de carte routière. Faire la route en vacances, c’est s’offrir cette petite aventure, cet espace de liberté où tout n’est pas écrit d’avance, où il est possible de s’affranchir des règles si ordinaires de l’emploi du temps. On quitte alors la route initiale pour les chemins de traverse , attiré par la découverte d’une nécropole étrusque ou d’un village médiéval.  Parfois, c’est la rencontre d’un vigneron offrant la dégustation de son vin qui nous fait dévier de notre chemin ou encore la présence d’un musée improbable. On remonte ensuite dans la Fiat – Kinder Surprise pour reprendre le cours de notre voyage, chargés de quelques bouteilles ou de cartes postales, en ayant eu ce plaisir si précieux de laisser le hasard jalonner la route des vacances de petits bonheurs imprévus.