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Ombrie, voyage intérieur : marcher dans la rue.

Entre 13 heures et 16 heures la rue somnole. Seuls quelques touristes bravent la chaleur étouffante et baguenaudent dans la rue endormie. L’ombre est précieuse. Elle fournit un refuge au marcheur et lui montre le chemin. Quand la température atteint 35 ° voire 40° à l’ombre, le besoin de fraîcheur devient la quête principale du promeneur désœuvré. Les églises qui jalonnent les rues surchauffées retrouvent leur sens de refuge ancestral, même pour le mécréant le plus acharné, sous peine de rôtir, non pas en enfer, en tout cas pas cette fois, mais bien plus sûrement au soleil.

L’amateur de shopping trouvera là aussi, dans la rue désertée,  matière à sa concupiscence. Les boutiques, bien sûr, sont fermées mais la prévoyance des commerçants leur a appris à ne pas baisser leur rideau de fer. Ainsi, le chaland alangui par la chaleur peut, tout au long de son errance,  admirer  les plus beaux articles qui restent exposés en vitrine. Alors, l’amateur de shopping suspend sa marche un instant et se laisse aller à la rêverie. Cette petite robe, cette paire de chaussures, prennent à ses yeux une valeur toute particulière, celle du désir inaccessible. A moins de revenir plus tard, quand la boutique sera ouverte, on ne peut pas se payer ce petit plaisir. Alors, on rêve un peu, et ce charmant désir véniel se refait une virginité, on sait qu’on aurait presque pu, mais on ne l’a pas essayé, ni cette si charmante petite robe, ni cette si belle paire de chaussures. On magasine à peu de frais et il ne restera plus tard que le souvenir de ce petit désir sans engagement.

Parfois, dans certaines de ces rues si pleines de soleil mais désertées par ses habitants on passe sous des cordes à linges qui relient les façades des deux bords de la rue ou de la ruelle. Il nous revient alors des souvenirs d’anciens films italiens en noir et blanc, immanquablement, si vous vous abritez quelques instants à l’ombre dans l’une de ces rues vous ne pourrez manquer l’inévitable Vespa qui passera crânement dans la rue désertée. On s’étonne alors de constater  à quel point la réalité peut parfois se conformer exactement à l’idée qu’on s’en fait. Une fois le Vespa éloigné et avec lui son grossier ronflement motorisé, on distingue les bruits des maisons qui vivent encore. D’abord, on n’y avait pas prêté attention, de la même façon qu’on oublie d’entendre le clapotis des vagues ou le chant des cigales. Et, sans que l’on sache vraiment pourquoi, soudainement tout un univers sonore apparaît à notre conscience. Toutes fenêtres ouvertes, les sons s’échappent, ricochent sur les façades de crépis jaunes, verts ou marrons et redescendent jusque dans la rue. Là, nous entendons cette étrange rumeur qui court et remonte de fenêtres en fenêtres, on ne distingue aucune parole mais c’est un bourdonnement diffus, dont de temps à autre émerge un éclat de voix, les pleurs d’un enfant ou un bruit de vaisselle.

Au moment où la rue reprend son activité et que la chaleur décline doucement, les gens reviennent arpenter ses trottoirs. De nouvelles odeurs prennent possession de l’espace, des odeurs de savons, de parfums et d’eaux de toilette constellent les pas du marcheur. Nombreuses sont les personnes qui se sont lavées avant de sortir battre le pavé des petites rues italiennes.  C’est l’heure où l’on croise de généreux musiciens qui sous un porche ou une halle mettent un terme au brouhaha de la rue pour y faire résonner des notes de musique. Alors,  je m’oublie quelques instants, j’écoute la musique envahir à la fois la rue et mon âme et  j’arrête de marcher.

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