Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

J'ai gardé de toi

J'ai gardé de toi

Tant de petits bonheurs

posthumes

Ils égrainent ma demi-vie

Je les repasse parfois

Pour m'en faire un manteau

Aux poches pleines de souvenirs

J'y pioche et piocherai encore

Pour y trouver alors

 

Ma première montre

Mon premier stylo plume

Et si précieux trésor

Mon premier dictionnaire

 

J'y trouverai aussi

Des odeurs de cuisine

Ta soupe aux vermicelles

Ton ragoût de p'tits pois

Ce salmi de palombes

Plombées par mon grand-père

Et ce poulet rôti

Dont nous rêvions déjà

Depuis Mantes-La-Jolie

 

J'y trouverai aussi

Ces longs voyages en train

Cette gare d'Austerlitz

Qui est ma préférée

D'où partaient les Corails

Si compartimentés

Et toujours décorés

De photos noir et blanc

 

La nouvelle Montparnasse

Garnie de TGV

M'a toujours rebuté

L'hiver comme l'été

Elle est moche voilà tout

Et c'est à Austerlitz

Que je retrouve encore

Mes souvenirs à quai

 

Je me souviens l'été

D' la rue Édouard Ferret

C'était multicolore

Des bouquets de tulipes

Des massifs de jacinthes

Des parterres de violettes

Et des rosiers immenses

Qui embaumaient la rue

Et au fond du jardin

De prétentieux glaïeuls

Que tu raccourcissais

Pour orner le salon

 

Je me souviens l'hiver

Nous venions à Noël

Je retrouvais alors

La grande cheminée

Comme une Sainte Chapelle

Où nous autres tous ensemble

Nous sourions encadrés

Comme des images pieuses

Des rappels de bonheurs

 

Dans ce joli foyer

J'y ai plongé mes yeux

Jusqu'à l'adolescence

Je m'y suis vu Vulcain

Forgeant mes premiers mots

Forgeant mes premiers rêves

 

C'est là qu'un jour

Je croyais me cacher

Mais toi tu m'as surpris

Un cigare à la bouche

Fauché à mon grand-père

Et j'ai nié éhonté

Sous le regard aimant

Des bonheurs encadrés

 

Le soir à la télé

Il y avait de Funès

Ou parfois Intervilles

Ou encore Columbo

Tu t'endormais toujours

Dans le canapé lourd

Et d'un pas embrumé

Tu t'en allais au lit

 

Tes pas sur le carrelage

Faisaient un son étrange

J'y pense et je souris

Et je sais que mes sœurs

L'aimaient autant que moi

 

J'entends encore ton pas

J'entends encore ta voix

J'entends encore ton rire

Je crois

Je voudrais tout garder

Je voudrais tout décrire

Pour ne rien oublier

Je ne veux pas choisir

Je veux tout conserver

 

Comme ce petit jouet

Que tu m'avais offert

Un petit Playmobile

Pour me désennuyer

 

Je m'ennuyais c'est vrai

Mais j'étais si heureux

Moi si mélancolique

Mais j'étais rassuré

Moi l'enfant apeuré

Et j'aimais mon ennui

Qui n'en était pas un

Ce petit Playmobile

M'eut l'air si incongru

Comme un soldat venu

Pour un autre combat

Qui n'était pas le mien

 

J'y trouverai aussi

Mon aube de communiant

Plus un voyage à Lourdes

Quelques jours du Seigneur

L'dimanche à la télé

En plumant le poulet

Drôle d'odeur de Sainteté

Mais quel goût il avait !

Ce poulet clérical

Il valait bien une messe

Et nous étions heureux

Tous autour de la table

 

J'y trouverai parfois

Quelques mots de patois

Et une chanson d'enfance

Aux accents fabuleux

Des disputes mémorables

Avec l'homme de ta vie

Des colères formidables

Assénées en Gascon

 

 

J'en oublierai peut-être

Et j'en oublie déjà

Mais je ne t'oublierai pas

Jusqu'à mon mon dernier jour

Lien permanent Catégories : Poèmes

Commentaires